La Fuite devant le Dragon de l’Autocensure
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La Fuite devant le Dragon de l’Autocensure

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🔍 Tu découvres La Saga de Kevin ?
Commence par le premier épisode: Le Dernier Jour au Désert du Salaire Sûr, pour lire cette aventure depuis le début.
📖 Tu peux aussi lire l’épisode précédent, Le Marécage du Syndrome de l’Imposteur
pour reprendre le fil de l’histoire.

Le Murmure du Feu

Le sol crisse sous ses pas.
Mais ce n’est pas du gravier. C’est de la cendre.

Kevin s’arrête un instant, baisse les yeux.

Le sentier est couvert d’un manteau gris, presque soyeux, fait de restes calcinés. Des pierres noires aux arêtes vives jalonnent le chemin. Aucun chant d’oiseau. Aucun vent. Juste un silence lourd…

Tout ici semble avoir brûlé.

Et pourtant, rien ne fume.

Comme si l’incendie avait eu lieu depuis longtemps, mais qu’il rôdait encore dans l’air. Invisible. Prêt à revenir.

Kevin avance, lentement.
Chaque pas soulève un nuage pâle qui flotte un instant avant de disparaître.

La lumière est étrange, tamisée par une brume chaude, teintée d’ocre et de cuivre.
Il y a là quelque chose d’intimement familier, sans qu’il puisse le nommer.

Puis, il le ressent.
Une pulsation, au loin. Sourde. Profonde.

Comme le battement lent d’un cœur géant sous la terre.

Le sol tremble, presque imperceptiblement.
Kevin se fige. L’air vibre autour de lui.
Il tend l’oreille.

Un murmure.

Très bas. Comme une respiration retenue.

Il se tourne vers une paroi de roche noire, fendue comme une cicatrice géante.
Quelque chose y est gravé, au charbon, à la hâte, comme si celui qui l’avait inscrit avait eu peur d’être interrompu :

“Ce que tu ne dis pas… te dévore.”

Kevin recule d’un pas.

Il regarde autour de lui. Rien ne bouge.
Mais le murmure s’intensifie.
Il ne vient pas de l’extérieur. Il vient de lui.

Une voix intérieure familière…
Celle qui dit : “Tu ferais mieux de te taire.”
Celle qui dit : “C’est trop bizarre, trop risqué, trop vulnérable.”

La chaleur monte dans sa poitrine.
Pas de peur.
De… pression.

Comme si quelque chose essayait de sortir, depuis longtemps.

Il inspire. L’air est sec, chargé d’étincelles invisibles.

Il n’est plus dans un lieu ordinaire.

Il est entré dans le royaume de l’Autocensure.
Et ici… le silence n’est pas un refuge.

C’est un piège.

La Première Étincelle

Kevin avançait lentement à travers la vallée noire.

Le silence, ici, n’était pas simple absence de sons. Il était matière. Dense, presque liquide. Chaque pas résonnait comme un tambour dans une cathédrale engloutie. Et dans ce silence absolu, il entendait — pour la première fois depuis longtemps — le battement net et nu de son propre cœur.

Sous sa veste, une présence familière.
Il glissa la main dans sa poche intérieure.

Le carnet.

Celui qu’Orion lui avait confié dès le début du voyage. Il ne l’avait jamais vraiment quitté. Et pourtant, il s’en était éloigné. Trop de bruit, trop de tempêtes. Mais maintenant… il l’appelait.

Kevin s’assit sur une pierre plate, noire et tiède, comme un siège préparé par la vallée elle-même.
Il sortit le carnet.

Le cuir brun, autrefois rigide, était devenu souple comme une peau vivante.
Patiné de reflets chauds, il semblait nourri de ses pensées les plus intimes.
Les motifs sur la couverture pulsaient doucement, comme un cœur secret. Spirales mouvantes. Plumes ondulantes. Clefs entrelacées. Et surtout…
La pyramide.

Elle était toujours là, mais plus grande, plus nette.
Comme si elle se rapprochait.

Il l’ouvrit.

Les pages étaient noircies de notes, de croquis, de fulgurances griffonnées dans l’urgence, d’intuitions venues en rêve. Ce carnet n’était plus vierge depuis longtemps : c’était son miroir. Le journal de ses métamorphoses. Et pourtant… il y avait encore de la place. Et un espace étrange, entre deux pages. Comme une faille. Une invitation.

Kevin saisit le kalame.
La plume de cristal doré, vivante, irisée.
Il la connaissait maintenant. Elle vibrait sous ses doigts comme un arc tendu.

Il hésita.

Puis écrivit :

« J’ai une idée de projet que je n’ai jamais osé dire à personne… »

À peine le point final posé, le papier devint incandescent.

La phrase s’illumina d’une lumière blanche, presque douloureuse.
Puis, foufff : elle s’effaça dans un souffle de cendre argentée.

Kevin recula, stupéfait.

Il inspira, trembla… mais reprit la plume. Plus vite cette fois.

« Je rêve de créer un espace où les gens puissent se reconnecter à eux-mêmes… »

La page vibra.
La chaleur monta.
Une petite flamme bleue surgit de l’encre encore fraîche, et dévora la phrase ligne après ligne.
Ne laissant derrière elle qu’un léger goût d’ozone et de vérité non dite.

Kevin releva la tête, fronça les sourcils.
Le murmure était revenu.
Mais ce n’était plus un souffle.

C’était une rumeur étouffée.
Comme des centaines de pensées bâillonnées… qui tambourinaient sous la surface.
Des idées retenues. Des voix empêchées.

Le sol trembla légèrement sous ses pieds.
Tout le paysage semblait retenir son souffle.
Comme un volcan endormi… prêt à hurler.

Il tenta une dernière phrase, cette fois à voix basse, en se fichant de bien écrire, en laissant tomber le masque :

« Je suis peut-être capable d’aider les autres avec ce que je suis… même si je ne suis pas parfait. »

Le carnet réagit immédiatement.
Une explosion d’étincelles jaillit de la page, projetant des fragments incandescents autour de lui.
Une gerbe de feu pur. Brut. Vrai.

Kevin se leva d’un bond.
Le carnet toujours en main, intact.
Les pages suivantes n’avaient pas été touchées.

Mais lui, si.

Il comprit.

Ce n’était pas ce qu’il écrivait qui provoquait le feu.
C’était ce qu’il retenait.
Ce qu’il n’osait pas dire.
Ce qu’il voulait cacher tout en espérant être entendu.
Ce qu’il écrivait pour être accepté, au lieu d’être vrai.

Et plus il se censurait…
… plus le feu montait.

Soudain, au loin, dans la brume vibrante, il aperçut une silhouette.

Massive.
Vivante.
Ancienne.
Quelque chose qui se redressait lentement, dans un grondement de magma intérieur.

Le Dragon.

Il était réveillé.
Et il savait.
Quelqu’un essayait encore de cacher la vérité.

Apparition du Dragon

Kevin recule, les yeux rivés vers la brume cuivrée.

Elle se déchire lentement, comme un rideau brûlé.
Et là, dans le silence absolu, surgit une forme.
Énorme.
D’abord floue, puis terriblement précise.

Un dragon noir, aux écailles rougeoyantes, se dresse devant lui.
Pas un monstre furieux. Pas un animal.
Un être ancien, intelligent, et profondément… blessé.

Son corps semble fait de suie, de braises et de silence.
Ses yeux sont des foyers éteints… jusqu’au moment où il le regarde.

Et là — le feu se rallume.

Kevin est pétrifié.

Le dragon ne rugit pas.

Il parle.

« Tu veux qu’on t’écoute… alors que toi-même tu t’étouffes. »

Sa voix est comme un grondement de lave, lente et sourde.
Elle ne sort pas de sa gueule, mais de l’air tout entier.

« Tu veux briller… sans chaleur. T’exprimer… sans brûler.
Tu veux qu’on t’applaudisse… sans t’exposer. »

Kevin sent sa gorge se nouer.
C’est vrai.
Il a toujours caché les parties de lui qui lui semblaient trop sensibles, trop bizarres, trop “à côté”.

Il a tu ses rêves, ses intuitions, ses visions profondes, de peur qu’on les juge.

Le Dragon avance d’un pas lourd. Le sol vibre.
Ses ailes sont immenses, comme deux voiles de fumée.

« Tant que tu retiens ton feu… c’est moi qui brûlerai à ta place. »

Et soudain, il souffle.

Mais ce n’est pas une attaque.

C’est une offrande.
Un souffle chaud, puissant, qui vient attiser quelque chose en Kevin.

Et il comprend.

Ce n’est pas un monstre à abattre.
C’est son feu intérieur, devenu sauvage à force d’avoir été réprimé.

Le Dragon n’est pas là pour le détruire.

Il est là pour l’obliger à choisir :

Soit il continue à se taire… et le feu le dévorera de l’intérieur.
Soit il parle — avec le risque d’être jugé, incompris… mais aussi le pouvoir de transformer.

Le Cri

Le souffle du Dragon a soulevé autour de Kevin une nuée de cendres.
Il tousse. Ses yeux piquent. Il tremble.

Mais il ne fuit pas.

Pour la première fois depuis longtemps… il reste.

Il regarde le Dragon droit dans les yeux.

Et il sent cette force monter en lui.
Pas une colère.
Pas un cri de guerre.
Mais une vérité contenue depuis trop d’années.

Ses mains se crispent. Son cœur bat fort.
Il sent ses jambes fléchir sous l’émotion.
Il ouvre la bouche… hésite…

Et puis, il crie.

« J’ai le droit d’exister tel que je suis !
J’ai le droit de créer, même si ce n’est pas parfait !
J’ai des choses à dire, même si elles ne plaisent pas à tout le monde ! »

Sa voix part d’abord enrouée. Puis elle porte.
Elle résonne dans la vallée.
Le Dragon se fige.

Un vent brûlant souffle autour de Kevin. Mais il ne recule plus.

Il continue :

« Je suis fatigué de me cacher.
Fatigué de jouer à être quelqu’un d’autre.
Fatigué de vouloir plaire au lieu de me respecter. »

Un éclair fend le ciel.
La vallée gronde.
Des chaînes invisibles tombent de ses épaules.

Il se tient maintenant droit, ancré, présent.

Le Dragon le regarde, longuement.

Puis incline lentement la tête.

Dans un souffle plus doux, presque respectueux, il murmure :

« Voilà enfin ton feu.
Ce feu-là ne brûle pas les autres. Il éclaire. »

Le dragon se redresse, immense, puis déploie ses ailes.
Il bat l’air une seule fois, et disparaît dans une volute de cendres et de lumière.

Kevin reste seul. Le silence retombe.

Mais il n’est plus le même.

Son corps entier vibre.
Pas d’euphorie.
Mais un calme profond.
Un feu apprivoisé.

La Traversée

Le silence s’est installé, mais il n’est plus menaçant.
Il est dense, plein. Chargé de sens.

Kevin respire à nouveau.
Plus lentement. Plus profondément.
Quelque chose en lui s’est ouvert.

Devant lui, un chemin de pierres émerge lentement de la terre noire.
Une sorte de pont ancien, à moitié effondré, traverse la vallée.
De l’autre côté, la brume s’éclaircit. Une clarté dorée attend.

Kevin comprend : c’est le passage.

Mais ce n’est pas un chemin solide.
Chaque pierre semble exiger une parole vraie, une part de lui-même accepté.

Il pose le pied sur la première dalle.
Elle tient bon.
Une voix monte en lui :

« J’ai le droit de ne pas tout savoir. »

Deuxième pierre.
Il vacille un instant, mais continue.

« Ce que je ressens est valable, même si personne ne le comprend. »

Troisième pierre.
Le vent souffle, mais il avance.

« Ce que je crée a de la valeur, même imparfait. »

À chaque pas, il laisse derrière lui une couche d’armure.
La peur de décevoir. Le masque du “bon élève”. La honte d’être sensible.

Et peu à peu, il se sent plus léger.

Arrivé au milieu du pont, il s’arrête.
Le vide sous ses pieds n’est plus un gouffre… mais un miroir.
Il y voit son reflet : les yeux grands ouverts, le torse dégagé, le feu intérieur apaisé.

Il murmure alors :

« Ce feu est à moi. Il ne me détruit pas. Il me guide. »

Une dernière pierre s’illumine.
Il la franchit.

De l’autre côté, le ciel s’ouvre.

La lumière dorée l’enveloppe.
Et avec elle, une sensation rare, presque oubliée :
la liberté d’expression. Authentique. Sans masque.

Héritage et Envol

Kevin pose enfin le pied sur la rive opposée.
Le sol est ferme. L’herbe dense, souple comme un tapis de mousse vivante.
Elle dégage un parfum de résine tiède et de feuilles anciennes, baignée dans une lumière dorée…
… pas une lumière venue du ciel, mais de l’intérieur des choses. Comme si chaque pierre, chaque brin, rayonnait de sa propre clarté.

Il reste immobile un instant.

Pas pour reprendre son souffle.
Mais pour l’écouter.
Ce souffle. Le sien. Redevenu simple. Calme. Présent.
Pas un calme vide — un calme plein.
Plein de lui-même.

Il se retourne.

Le pont de pierres a disparu. Dissous dans la brume mouvante.
Le Dragon n’est plus là.

Mais son passage a laissé une empreinte.

Une ouverture.
Une brèche dans la peur.
Un passage en lui.

Kevin s’agenouille.
Sur un rocher plat, noir et lisse, il s’assoit.
Lentement, il sort son carnet.

Le cuir est plus chaud qu’avant. Plus souple.
Comme si, depuis le début, il avait attendu ce moment précis.
Kevin caresse la couverture du pouce. La pyramide gravée dessus semble luire doucement. Vivante.
Il l’ouvre.

Les mots qu’il avait inscrits dans les épisodes précédents — ses idées, ses intuitions, ses appels — ne sont plus seulement des phrases.
Ils vibrent.

Certains brillent d’un éclat diffus.
D’autres sont soulignés par des racines fines, dessinées comme des nervures, comme si le carnet avait commencé à digérer les rêves pour les transformer en réalité.

Kevin prend le kalame à pointe de cristal.
Il écrit :

« Ma voix est un feu sacré.
Jamais je ne dois la laisser s’éteindre. »

Cette fois, la page ne s’enflamme pas.
Elle l’accueille. Elle s’ouvre.
Et un infime frisson traverse la surface du papier, comme une onde de reconnaissance.

Kevin relève la tête.

Au loin, au-delà des collines brumeuses,
la pyramide.

Massive.
Silencieuse.
Irradiant une lumière blanche comme un appel muet.
Il la reconnaît.

La Cité de l’Abondance.
Le but ultime.
Mais entre lui et elle… une chaîne de montagnes.
Et tout au centre, dressé vers le ciel comme un défi de pierre :
le Mont Mindset.

Kevin plisse les yeux.

Une silhouette approche dans la lumière.

Long manteau d’indigo.
Cheveux d’argent.
Le bâton d’étoile à la main.

Orion.

Il s’approche, en silence, et s’assoit à côté de Kevin.

Tu l’as sentie ? demande-t-il, les yeux dans la direction de la pyramide.

Kevin hoche la tête.

Alors il est temps que tu voies le reste.

Orion déroule la carte du monde Mastermind Attraction.
Pas en parchemin, mais en lumière.
Des reliefs mouvants, comme une projection en volume.
Chaque lieu vibre d’une couleur propre.

Il désigne le point où ils sont.

Ici, c’est le lieu du pacte. Le moment où l’on choisit de ne plus jamais se censurer seul. Où l’on s’engage devant d’autres. Ton premier Mastermind t’attend. 

Puis, du doigt, il trace le chemin vers la montagne.

Tu devras gravir le Mont Mindset. Apprendre à maîtriser la voix intérieure, celle qui doute ou qui ment. 

Il grimace légèrement.

Mais en haut, il t’attendra. Le Gardien du Doute Ultime. Tu devras le regarder en face. 

Et son doigt continue, lentement, vers une zone de brume en spirale.

Tu traverseras ensuite la Tempête des Résistances Intérieures. Là, beaucoup abandonnent. Les vents y parlent avec ta propre voix.

Enfin, il montre la pyramide.

Et si tu tiens bon… tu entreras dans la Cité de l’Abondance. Là où chaque être agit depuis sa pleine vérité, et construit avec les autres.

Kevin inspire.
Longtemps.

Il comprend.

Le vrai voyage commence maintenant.
Pas vers l’extérieur.
Mais vers la cohérence intérieure.

Il referme le carnet.

Un mot y apparaît, inscrit sans plume :
“En route.”

À suivre la semaine prochaine… Épisode 8 :
Le pacte du premier Mastermind

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