
LâEscalade du Mont Mindset
đ Tu dĂ©couvres La Saga Mastermind Attraction ?
Commence par le premier épisode: Le Dernier Jour au Désert du Salaire Sûr, pour lire cette aventure depuis le début.
đ Tu peux aussi lire lâĂ©pisode prĂ©cĂ©dent, Le pacte du premier Mastermind.
Lâappel du sommet
Le ciel Ă©tait clair, mais chargĂ© dâune tension discrĂšte.
Une de ces journĂ©es oĂč lâon sent que quelque chose veut commencer.
Kevin marchait dans une ruelle de la ville, le carnet dans la poche, la tĂȘte ailleurs. Depuis quâils avaient formĂ© ce premier mastermind, un calme nouveau lâhabitait. Moins dâagitation. Moins de dispersion.
Mais une question revenait, insidieuse, presque déçue :
Et maintenant ?
Au dĂ©tour dâun bĂątiment, il leva les yeux.
LĂ , Ă lâhorizon, entre deux immeubles, une silhouette de montagne sâĂ©levait, immense.
Pas une montagne réelle.
Une présence mentale.
Elle ne semblait pas lĂ pour impressionner, mais pour interpeller.
Son sommet était flou, noyé dans un nuage de brume argentée⊠dans lequel dansaient lentement des mots, comme portés par le vent :
âPas assez rĂ©gulier.â
âTu abandonnes toujours au bout de trois semaines.â
âTrop dâidĂ©es. Pas de suivi.â
Il cligna des yeux. Les mots sâĂ©vaporĂšrent. Mais la montagne restait.
Quelques minutes plus tard, son téléphone vibra.
Un message dâun membre du mastermind Attraction.
đ„ Cette semaine, chacun monte son Mont Mindset. Ă sa maniĂšre.
MĂȘme une colline. MĂȘme symbolique.
Mais on le fait. Et on le raconte au prochain mastermind.
Kevin sourit.
Il comprit que ce quâil avait vu⊠ce quâil avait ressentiâŠ
était partagé.
Il rentra chez lui. Sortit son sac.
Dedans, il glissa :
- son carnet,
- une cordelette nouée,
- une flasque dâeau,
- sa boussole
Puis il sâarrĂȘta.
Devant lui, deux objets :
- une pile de fiches âobjectifsâ jamais relues,
- et un tableau blanc rempli dâintentions inachevĂ©es.
Il respira. Longtemps.
Et décida de laisser ces poids-là derriÚre lui.
Il nâallait pas monter pour se prouver quelque chose.
Il allait monter pour se rencontrer dans lâeffort.
Il ferma son sac.
Et se mit en route.
Le Sentier des Vieilles Voix
La forĂȘt au pied du Mont Mindset Ă©tait dense et silencieuse.
Pas dâoiseaux. Pas de vent.
Juste le bruit rĂ©gulier de ses pas sur un sol meuble, et les craquements dâun monde intĂ©rieur qui sâĂ©veille.
Kevin marchait sans trop savoir oĂč poser les yeux.
Les arbres Ă©taient Ă©tranges â torsadĂ©s, comme pĂ©tris dâhĂ©sitations.
Le chemin, lui, Ă©tait ponctuĂ© de pierres dressĂ©es, comme des bornes de mĂ©ditation⊠ou dâavertissement.
Sur la premiĂšre, il lut :
âTu nâes pas fait pour ça.â
Il sâarrĂȘta.
La phrase ne lâĂ©tonna pas. Il la connaissait bien.
Elle avait le ton dâun parent protecteur⊠ou dâun prof sceptiqueâŠ
Elle sentait la prudence mal aimée.
Il reprit sa marche.
Plus loin, une autre pierre :
âTu ne tiendras pas sur la durĂ©e.â
Cette voix-là était plus sourde.
Plus intime.
Celle quâil entendait chaque fois quâil dĂ©marrait un projet avec enthousiasme, et que son Ă©nergie retombait.
Encore une autre :
âTu ne choisis jamais. Tu te disperses.â
Celle-lĂ fit mouche.
Kevin sentit un noeud se contracter au creux du ventre.
Les pierres se faisaient plus nombreuses.
Chaque phrase réveillait une trace ancienne, une mémoire de renoncement ou de reproche.
BientĂŽt, elles ne se contentĂšrent plus dâĂȘtre lues.
Elles parlĂšrent.
âTu nâes quâun rĂȘveur.â
âTu nâes pas crĂ©dible.â
âTu nâas rien dâoriginal.â
Kevin accéléra.
Mais les voix lâaccompagnaient maintenant.
DerriĂšre lui. Autour de lui.
Comme un vieux podcast interne quâon oublie dâĂ©teindre.
âTu nâes pas lĂ©gitime.â
âTu fais semblant.â
âTout ça, câest du vent.â
Il sâarrĂȘta.
Ferma les yeux.
Et pour la premiÚre fois, au lieu de fuir, il écouta.
Chaque voix avait une histoire.
Un moment. Une blessure. Un regard, une remarque, une peur.
Il ne chercha pas Ă les effacer.
Il leur murmura seulement :
â Je vous entends. Mais je ne vous crois plus.
Les voix cessĂšrent.
Pas dâun coup.
Mais comme si elles se retiraient, surprises dâavoir Ă©tĂ© nommĂ©es.
Comme si leur pouvoir nâexistait que dans le silence quâil leur accordait.
Le sentier redevint calme.
Et Kevin, un peu plus léger.
Le Refuge du Doute
La pente devenait plus raide.
Les arbres clairsemaient, la roche prenait le relais.
Le vent sâĂ©tait levĂ©, portant avec lui des souffles froids et des souvenirs flous.
AprÚs une longue montée, Kevin atteignit un replat.
Une cabane bancale sây dressait, adossĂ©e Ă la montagne.
Le bois Ă©tait usĂ©, la porte entrouverte, comme si elle nâattendait que lui.
Il entra.
Ă lâintĂ©rieur, la lumiĂšre Ă©tait tamisĂ©e par un tissu suspendu Ă une fenĂȘtre.
Un poĂȘle froid, un banc de pierre, quelques coussins empilĂ©s.
Et surtout : des visages.
Trois personnes.
Des grimpeurs.
Ou peut-ĂȘtre des versions de lui-mĂȘme.
Lâun fixait ses chaussures, le front lourd de fatigue.
Une autre tournait un carnet entre ses doigts sans rien écrire.
Un troisiÚme dormait à moitié, les bras croisés comme pour ne pas tomber plus bas.
Kevin les salua dâun regard.
Personne ne répondit.
Mais personne ne le rejeta.
Il sâassit.
Un silence étrange régnait dans la cabane.
Un silence épais, comme de la buée mentale.
Il ferma les yeux.
Et sentit monter, sans prévenir, une vague de lassitude.
Pourquoi grimper, en fait ?
Quâest-ce que ça change ?
Est-ce que jâai vraiment ce quâil faut ?
Est-ce que je vais encore me perdre en route ?
Il rouvrit les yeux.
Un vieil homme Ă©tait apparu dans lâombre du fond de la piĂšce.
Cheveux blancs, veste en laine.
Ses yeux brillaient comme deux braises sous la cendre.
â Tu crois que la discipline, câest une cage, dit-il.
Mais la cage, câest lâĂ©parpillement.
La discipline, elle⊠câest une forme dâamour.
Un soin.
Un engagement envers ce que tu veux faire grandir.
Kevin le regarda, sans répondre.
Les mots avaient touché un endroit précis.
Pas dans la tĂȘte.
Dans le ventre.
Dans les mains.
Le vieil homme sourit. Puis disparut.
Comme une pensĂ©e profonde quâon ne retiendra pas, mais quâon nâoubliera plus.
Kevin se leva.
Un des grimpeurs releva la tĂȘte. Lâautre ferma son carnet.
Pas un mot.
Mais une présence.
Il sortit de la cabane.
Et reprit lâascension.
Le Plateau de la Stagnation
AprĂšs la cabane, la pente sâĂ©tait adoucie.
Presque trop.
Le sentier sâĂ©largissait, devenait plat, confortable, sans obstacle.
Kevin marchait droit devant, les mains dans les poches, le souffle régulier.
Mais trĂšs vite, quelque chose clochait.
Pas de panorama.
Pas de relief.
Pas de trace claire de progression.
Le paysage semblait boucler sur lui-mĂȘme, comme un fond dâĂ©cran animĂ©.
Il sâarrĂȘta.
Regarda derriĂšre lui. Rien.
Devant lui. Encore moins.
Tout semblait… figĂ©.
MĂȘme les nuages ne bougeaient plus.
Kevin reprit sa marche.
Mais Ă chaque pas, une lassitude grise sâinvitait.
Pas de douleur. Pas de combat.
Juste un vide tiĂšde, un ennui diffus.
âCâest ça lâĂ©tape suivante ? Une boucle molle ? Un faux-plat ?â
âTu te perds encore. Tâas ralenti. Tu vas tâarrĂȘter, comme toujours.â
Une pensée toxique. Mais familiÚre.
Il regarda autour de lui. Rien ne semblait vouloir changer.
Alors, presque machinalement, il sortit son carnet.
Au milieu des pages griffonnĂ©es, un petit mot glissĂ© par lâun des membres du cercle.
Il lâavait oubliĂ©.
âQuand tu doutes, marche.
Quand tu tâennuies, respire.
Quand tu veux renoncer, souviens-toi : on avance avec toi.â
Kevin sourit.
Un sourire discret, mais sincĂšre.
Il releva la tĂȘte.
Toujours ce plateau.
Mais maintenant, il savait quoi faire.
Il rangea son carnet.
Et recommença à marcher.
Sans se demander sâil avançait vite.
Ou loin.
Juste⊠en marchant.
Un pas.
Puis un autre.
Puis un autre.
Et bientĂŽt, Ă lâhorizon, une arĂȘte rocheuse se dessina.
La montagne se redressait.
La prochaine Ă©tape allait ĂȘtre diffĂ©rente.
Plus fine.
Plus risquée.
Mais le vide intĂ©rieur sâĂ©tait dĂ©jĂ allĂ©gĂ©.
Le Passage du Fil
Le sentier avait disparu.
Ă sa place : un filin Ă©troit, tendu dâune paroi Ă une autre, suspendu au-dessus du vide.
Pas une corde de cirque.
Pas un piĂšge.
Un pont invisible, que seul lâengagement rendait rĂ©el.
Kevin sâapprocha du bord.
Sous ses pieds, le vide.
Pas un gouffre noirâŠ
Mais un abĂźme de pensĂ©es, tourbillonnant comme des nuages mentaux en pleine tempĂȘte.
âTu vas tomber.â
âTu nâes pas stable.â
âTu nâas aucun Ă©quilibre.â
âTu fais ça pour quoi, au fond ? Pour qui ?â
Son souffle se coupa.
Ses jambes tremblaient.
Ses mains Ă©taient moites, mĂȘme sans rien tenir.
Il ferma les yeux.
Essaya dâimaginer un autre chemin.
Il nây en avait pas.
La montagne ne sâouvrait que par ce passage.
Il se redressa.
Retira ses chaussures.
Toucha la corde du bout du pied. Elle vibrait. Pas de mensonge.
Puis il avança.
Un pas.
Puis un autre.
Chaque pensée toxique faisait osciller la corde.
âTu vas Ă©chouer.â
âTu ne mĂ©rites pas.â
âTu nâas rien Ă offrir.â
Kevin chancela.
Alors il ferma les yeux.
Et respira.
Longtemps.
Lentement.
Il ramena son attention Ă ses pieds.
Ă ses jambes.
Ă ses sens.
Plus de projections.
Plus de jugement.
Juste la présence.
Un souffle.
Un appui.
Un pas.
Il nâĂ©tait plus dans la tĂȘte.
Il était dans le corps.
Le fil cessa de trembler.
Le vent se calma.
Les voix se turent.
Kevin ouvrit les yeux.
Il venait de poser le pied sur lâautre rive.
Il nâavait pas vaincu la peur.
Il avait traversé avec elle.
Devant lui, un escalier de pierre menait au sommet.
Il sourit.
Et continua Ă grimper.
Le Sommet
Le vent soufflait, mais il nâĂ©tait plus hostile.
Il avait cette qualité rare des hauteurs :
il nettoyait.
Kevin atteignit le sommet sans fanfare.
Pas de drapeau.
Pas de lumiĂšre divine.
Juste un plateau circulaire, ouvert sur lâhorizon.
Autour de lui : le monde.
La ville, au loin.
Des vallĂ©es, des forĂȘts, des lignes dâhorizon sans fin.
Mais ce nâĂ©tait pas ça qui lâĂ©mouvait.
CâĂ©tait le silence.
Un silence plein.
Pas un vide.
Une densité intérieure.
Un sentiment dâĂȘtre exactement Ă la bonne place, sans avoir besoin dâen faire la preuve.
Il sortit son carnet.
Regarda les pages précédentes, les croquis, les mots griffonnés, les doutes transpercés.
Puis il écrivit calmement :
âCe nâest pas la motivation qui me mĂšne.
Câest la direction.â
Il posa le carnet. Sur le sol, il grava doucement avec la pointe dâun outil :
âUn pas juste vaut mieux quâun grand Ă©lan sans suite.â
Il resta lĂ encore un moment.
Pas pour réfléchir.
Pas pour âintĂ©grerâ.
Juste pour ĂȘtre.
Et lorsquâil se releva, ce ne fut pas avec euphorie.
CâĂ©tait mieux.
CâĂ©tait paisible.
Le Retour vers le Cercle
La descente fut douce.
Pas parce que le chemin était facile, mais parce que quelque chose en lui était devenu stable.
Comme si la gravitĂ© nâagissait plus de la mĂȘme maniĂšre.
Il ne courait pas.
Il ne fuyait rien.
Il revenait.
En bas, la lumiĂšre du soir glissait entre les immeubles.
Kevin marchait dans les rues de la ville, poussiÚres de montagne encore accrochées à ses chaussures.
Un sac sur le dos. Son carnet Ă la main.
Il arriva devant une porte familiĂšre.
La maison dâun des membres du cercle.
Une lumiÚre était allumée.
Un rire sâĂ©chappait par la fenĂȘtre.
Il entra.
Ils étaient là .
Pas tous.
Mais assez.
Des regards.
Des sourires.
Pas de grands discours.
Sur la table : du thé, un carnet ouvert, quelques restes de gùteaux, une bougie allumée.
Kevin sâinstalla.
Sortit son carnet.
Le posa au centre.
â Jâai envie quâon crĂ©e un truc ensemble, dit-il.
Un pacte. Pas pour faire plus.
Mais pour se rappeler pourquoi on fait ce quâon fait.
Un truc simple, mais puissant.
Un silence. Puis quelquâun proposa :
â Et si on Ă©crivait chacun un accord ? Un engagement envers soi⊠et envers les autres ?
Les tĂȘtes hochĂšrent.
Alors ils prirent des feuilles. Des stylos.
Et un Ă un, ils notĂšrent. PartagĂšrent.
Des phrases courtes. SincĂšres. Vraies.
âJe mâautorise Ă ne pas tout contrĂŽler.â
âJe choisis la constance, pas la perfection.â
âJe demande de lâaide quand jâen ai besoin.â
âJe me rappelle que je ne suis pas seul.â
âJe cĂ©lĂšbre les petits pas.â
âJe laisse le feu circuler.â
Ils les appelÚrent : Les Accords de la Cordée.
Un pacte de progression.
Un pacte dâaltitude.
Plus tard, en rangeant ses affaires, Kevin glissa son carnet contre son cĆur.
Et se dit, sans orgueil :
â Maintenant, je peux aider Ă tenir la corde.
Ă suivre la semaine prochaine⊠Ăpisode 10 : La TempĂȘte des RĂ©sistances IntĂ©rieures


Un commentaire
Edouard Le Minor
Ton texte mâa vraiment embarquĂ© du dĂ©but Ă la fin. Câest puissant, plein de justesse, et surtout trĂšs parlant pour tous ceux qui avancent Ă leur rythme, entre doutes et envies de mieux. Jâai adorĂ© la mĂ©taphore du Mont Mindset, et les passages comme « Je vous entends. Mais je ne vous crois plus. » ou encore « La discipline, câest une forme dâamour »⊠ça rĂ©sonne fort. Merci pour ce moment de vĂ©ritĂ© racontĂ© avec tant de finesse.