Le Dernier Jour au Désert du Salaire Sûr
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Le Dernier Jour au Désert du Salaire Sûr

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I. La Porte Oubliée

“Il y a des jours où l’on sait que quelque chose doit changer.
Même si l’on ne sait pas encore quoi, ni comment.”

Kevin ouvrit les yeux. Une lumière grise baignait sa chambre. Un de ces matins où le réveil n’a pas besoin de sonner pour réveiller une lassitude déjà éveillée. Encore un lundi.

Le même café tiède. Le même embouteillage. Le même badge passé à l’entrée de l’entreprise.
Son bureau l’attendait comme une cellule attend son détenu. Il n’était ni maltraité, ni harcelé. Juste… vidé. Un désert de sens, bien payé.

Et ce matin-là, tout sonnait plus creux que d’habitude.

Il avançait dans sa vie comme un hamster dans sa roue, prisonnier d’un quotidien sans échappatoire.

Dans l’open space, les conversations étaient toujours les mêmes :

  • “Tu as fait quoi ce week-end ?”
  • “Tu as vu le dernier épisode de la série ? Le match d’hier ?”
  • “Je pense poser mes congés en juillet.”

Kevin n’en pouvait plus. Il n’avait pas de haine. Juste un vide. Il vivait ce que beaucoup appellent “la chance” : un CDI confortable, un bon salaire, une entreprise “humaine” sur le papier.

Mais à l’intérieur, il étouffait. Chaque tâche était une répétition. Chaque réunion, un copier-coller. Il se surprenait à regarder l’horloge toutes les 5 minutes. Même son agenda semblait déprimé.

Kevin fixait l’écran de son ordinateur, sans vraiment le voir. Le texte sur Word défilait, froid, mécanique, vide de sens, comme les hiéroglyphes d’une civilisation oubliée. Il avait passé les trois dernières heures à tenter d’écrire un rapport qu’il n’avait aucune envie de lire lui-même. Ses doigts couraient sur le clavier comme des automates, dictés par une force invisible et résignée.

Le mug « Keep Calm and Excel » trônait à côté de la souris, vide depuis longtemps, comme son moral. L’odeur tiède du café réchauffé flottait dans l’air, mêlée aux relents de plastique chauffé par les ordinateurs. La lumière blanche des néons pulsait faiblement au plafond, rythmée par le grésillement d’un tube défectueux. Un tic-tac métallique, insidieux, émanait d’une horloge murale comme un compte à rebours silencieux vers un avenir qu’il n’avait pas choisi.

Depuis combien de temps était-il prisonnier dans cet étrange monde ? Des années. Peut-être des siècles.

Soudain, une voix grinça dans les haut-parleurs du plafond :

— Bonjour à tous, réunion hebdomadaire de performance à 10h dans la salle Omega. Merci d’apporter vos feuilles de bilan.

Le mot « performance » résonna dans la tête de Kevin comme un écho creux, un tambour sourd frappé sous l’eau. Son cœur se serra. Encore une réunion. Encore une mascarade. Une nausée douce se leva en lui. Il connaissait cette salle Omega. Des murs gris, des graphiques absurdes, des sourires crispés et des applaudissements forcés. Un théâtre où chacun portait un masque de motivation pour cacher l’ennui existentiel.

C’est alors qu’il la vit.

Dans un coin du mur, à côté du distributeur à café, une porte qu’il n’avait jamais remarquée. Elle semblait surgir de nulle part, peinte de la même couleur que les murs, comme camouflée dans le décor. Presque invisible à l’œil distrait.

Son regard se fixa sur la poignée en cuivre terni, luisante comme si elle avait été polie par d’innombrables mains. Et juste au-dessus, gravé en lettres minuscules, presque effacées :

« Exitus Initium » — La Fin est un Commencement.

Le monde sembla s’arrêter. Un frisson lui parcourut l’échine. Ses mains devinrent moites, mais il sentait en lui une étrange clarté, comme une fenêtre ouverte après des années de brume.

Le bourdonnement des ordinateurs, les murmures des collègues, les clics des souris… tout devint lointain. Son cœur accéléra, sans qu’il comprenne pourquoi. Une sensation étrange l’envahit : un mélange d’appréhension et d’excitation, comme si cette porte le reconnaissait, l’appelait.

Sans réfléchir, poussé par une force venue d’ailleurs, Kevin se leva. Ignorant les regards intrigués de ses collègues, il traversa l’open space en bousculant quelques chaises.

Une collègue, assise à sa gauche, leva les yeux de son tableau Excel :

— Tout va bien, Kevin ?

Mais il ne répondit pas. Il marcha droit vers la porte, chaque pas plus lourd, plus chargé d’intention. Arrivé devant, il tendit la main vers la poignée. Elle était froide sous ses doigts. Il jeta un dernier regard derrière lui. Les visages étaient figés. Un collègue mâchait un biscuit sans l’avaler. Le temps lui-même semblait suspendu.

Kevin inspira. Et poussa la porte.

Elle grinça doucement, comme si elle n’avait pas été ouverte depuis très longtemps. Une lumière dorée s’échappa de l’entrebâillement, et un souffle tiède effleura son visage.

Puis il entra.


II. Le passage vers l’invisible

La porte se referma derrière lui dans un chuintement doux, presque respectueux. Kevin se retourna aussitôt, mais… elle avait disparu. À sa place, un simple pan de mur lisse, sans la moindre trace de charnière, ni de poignée.

Le silence régnait, doux et enveloppant. Un silence vibrant, comme celui d’une bibliothèque ancienne ou d’un lieu sacré.

Devant lui, s’étendait un couloir étroit, baigné d’une lumière dorée filtrée par de longues tentures de soie suspendues au plafond, qui ondulaient comme mues par une brise invisible. Les murs étaient couverts de cartes anciennes — des fragments de mondes oubliés —, de croquis de pyramides, de constellations étranges, de symboles alchimiques. Des équations griffonnées au fusain dans les marges se mêlaient à des phrases en latin, en sanskrit, parfois en langues que Kevin ne reconnaissait même pas.

Il s’avança lentement, comme s’il marchait dans un rêve. Chaque pas résonnait d’un écho discret, comme si le sol reconnaissait son arrivée. Le parquet grinçait sous ses chaussures de bureau, inappropriées dans ce lieu qui semblait fait pour des bottes de voyage ou des pieds nus..

Au fond du couloir, une silhouette l’attendait.

Un vieil homme se tenait là, adossé à une grande armoire en bois d’olivier incrustée de symboles dorés. Il portait un manteau de voyage élimé, en toile grise, taché par le sable, le vent, et l’inconnu. Une longue écharpe bleu nuit pendait à son cou, tissée de fils d’or. À son épaule, un sac de cuir usé, constellé de petits badges étranges : une étoile à six branches, une clepsydre, une spirale d’or.

Son visage était parcheminé, mais ses yeux — eux — étaient d’un bleu d’encre profond, et brillants d’une intensité troublante.

— Bienvenue, Kevin, dit-il simplement, avec un sourire paisible.

Kevin s’arrêta net.

— Comment… comment vous connaissez mon nom ?

— Je ne connais pas ton nom, dit le vieil homme. Je connais ton âme.

Il sortit de son sac un carnet relié de cuir, couleur sable, dont la couverture était frappée d’une pyramide entourée de cercles lumineux. Lorsqu’il le tendit, Kevin sentit comme une vague de chaleur en émaner, comme si l’objet respirait.

Le monde dans lequel tu vivais était une illusion. Un décor plat, une pièce de théâtre où tu étais acteur, mais sans jouer ton véritable rôle.
Ici commence ta véritable aventure, Kevin. Celle où tu construiras ton propre destin.

Kevin recula d’un demi-pas, l’esprit embué. Son cœur battait à tout rompre. Était-ce un rêve ? Une hallucination ? Un burn-out déguisé en film de science-fiction ?

Mais au fond de lui… quelque chose vibrait. Comme si ces mots, ces symboles, ces murs… faisaient partie de lui depuis toujours. Il serra les poings. Derrière lui, il n’entendait plus le cliquetis des claviers, ni les soupirs résignés de ses collègues.

Devant lui : l’inconnu. L’appel. Le frisson de la vie.

Il tendit la main. Et saisit le carnet.

Aussitôt, il sentit comme un souffle chaud parcourir son bras, grimper le long de son épaule, puis inonder sa poitrine d’une énergie nouvelle. Les pages du carnet s’illuminèrent brièvement, révélant des lignes qui se formaient à mesure qu’il le tenait.

Sur la première page, une inscription manuscrite, d’une écriture penchée et élégante :

« Tu n’es plus salarié. Tu es Explorateur de ton Destin. »

Kevin releva les yeux.
Le vieil homme n’était plus là.
Le couloir s’effaçait.
Tout vacillait.

Il se retrouva au sommet d’une colline, balayée par le vent.

Devant lui : une vaste plaine parsemée d’obstacles étranges.

  • Des montagnes d’incertitudes.
  • Des marécages de procrastination.
  • Un désert aride nommé « le Syndrome de l’Imposteur ».

Et au loin, dominant tout, une pyramide étincelante se dressait vers le ciel : la Pyramide Mastermind Attraction.

Le monde qu’il venait de quitter semblait désormais très loin, comme un rêve flou au réveil.

Il serra le carnet contre lui. Ce monde semblait irréel, avec la texture étrange d’un rêve… mais il ne rêvait pas. Il ressentait, au contraire, qu’il était plus réel que tout ce qu’il avait connue.

Un sentier de pierres anciennes s’ouvrit devant lui, bordé de cyprès noueux qui dansaient lentement dans la brise.

Autour de lui, la lumière était chaude, vibrante, comme filtrée par un voile doré. Le silence était paisible, seulement troublé par le chant rythmé des cigales et le froissement des feuilles. Un vieux panneau de bois à demi penché indiquait en lettres écailleuses : « Chemin des Possibles ».

Il suivit le sentier, les jambes légères mais le cœur tambourinant d’étrange anticipation. Chaque pas semblait plus réel que tout ce qu’il avait vécu ces dernières années. Son costume cravate paraissait ridicule ici, comme un déguisement qu’il avait porté trop longtemps.

Au sommet de la colline, il aperçut un village vivant à flanc de montagne. Une musique lointaine flottait dans l’air, accompagnée de rires et de voix. Un panneau cloué à l’entrée indiquait : « Bienvenue au Marché aux Possibles ».

III. Le Marché aux Possibles

Le marché bourdonnait d’activité. Les pavés luisaient sous la lumière du soleil, et les étals colorés croulaient sous des objets aussi étranges que merveilleux : fioles luminescentes, grimoires de cuir à fermoir d’argent, amulettes chantantes et masques rieurs.

Des marchands haranguaient la foule, chacun défendant son trésor :

  • « Compas de la Productivité, pour garder le cap même dans la tempête ! »
  • « Cartes secrètes de l’Ikigaï ! Trouvez votre raison d’être en un clin d’œil ! »
  • « Boucliers anti-Croyances Limitantes, pour forger votre légende personnelle ! »
  • « Boussoles du Courage, pour ne jamais perdre votre Nord intérieur ! »

Kevin n’avait pas un sou en poche. Mais les vendeurs ne semblaient pas attendre d’argent.

Un vieil artisan, vêtu d’une cape rapiécée et aux yeux brillants d’un feu doux, lui sourit en montrant le carnet qu’il tenait en main depuis son entrée dans ce monde.

— Ton carnet vaut plus que de l’or ici, l’ami. Choisis sagement. Un seul objet.

Kevin parcourut les étals du regard. Son instinct, plus que sa raison, le guida vers une petite boussole, gravée de symboles mouvants.

— Celle-ci, dit-il.

Le marchand hocha la tête, soudain grave.

— Sage choix. Cette boussole ne pointe pas vers le Nord… mais vers ce qui compte vraiment pour toi.

Kevin accrocha la boussole à sa ceinture. Elle vibra doucement contre lui, comme une respiration discrète.

En quittant le village, il passa devant un stand modeste. Une vieille femme au dos voûté lui tendit une fiole ocre.

— Persévérance liquide, murmura-t-elle. Un cadeau. Tu en auras besoin plus vite que tu ne crois.

Kevin s’inclina, touché.

Il ne le savait pas encore, mais l’aventure ne faisait que commencer.

À suivre… Épisode 2 : La Carte du Monde Mastermind Attraction

6 commentaires

  • Caroline

    Très sympa ton article, Benoît! Curieuse de voir où tu vas nous emmener et comment la fiction va devenir une réalité. Le processus m’intéressen beaucoup 😉

  • Jackie

    Trouver du sens, c’est un peu comme allumer la lumière dans une pièce qu’on croyait vide. Ce n’est pas qu’une envie, c’est une nécessité profonde. Merci pour cet article qui pousse à l’introspection tout en restant concret. Il me rappelle que le travail peut (et doit !) nourrir aussi l’âme, pas seulement le compte en banque.

  • Laure

    Un article puissant, qui retranscrit avec émotion et justesse ce que tant de personnes ressentent sans toujours réussir à l’exprimer. Il touchera beaucoup de monde et offrira, à certains, cette lueur d’espoir… Hâte de lire la suite !

  • Sabine

    La transition de Kevin vers l’inconnu, guidée par des symboles puissants comme la boussole du courage ou la fiole de persévérance, m’a rappelé que l’entrepreneuriat n’est pas seulement une aventure professionnelle, mais un cheminement intérieur. Merci beaucoup 🙂

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