
Épisode 8: Le pacte du premier Mastermind
🔍 Tu découvres La Saga de Kevin ?
Commence par le premier épisode: Le Dernier Jour au Désert du Salaire Sûr, pour lire cette aventure depuis le début.
📖 Tu peux aussi lire l’épisode précédent, La Fuite devant le Dragon de l’Autocensure.
Le Carrefour Invisible
La lumière était différente ici. Ni trop forte, ni trop douce — juste ce qu’il faut pour que les contours du monde soient visibles, mais pas les chemins.
Kevin avançait, lentement, dans cette clairière où convergaient plusieurs sentiers. Pourtant, aucun ne portait de trace. Pas de pas, pas d’indice. Des panneaux de bois, autrefois gravés, s’étaient effacés avec le temps. Il en approcha un. Le mot semblait vouloir apparaître, mais il oscillait entre “Inspiration”, “Illusion” et “Inconfort”. Rien de net.
Il tourna sur lui-même. Tous les sentiers semblaient viables. Ou piégeux. Ou les deux.
Un bruissement derrière lui.
Il se retourna. Une femme se tenait là.Thékara, la Gardienne des carrefours. Drapée dans un tissu sombre, le visage à moitié masqué par un voile translucide. Ses yeux, vifs comme ceux d’une louve, le fixaient sans animosité.
— Tu es arrivé au Carrefour Invisible, dit-elle simplement.
— Comment savoir quel chemin prendre ? demanda Kevin.
— Tu ne peux pas. Pas seul.
Il fronça les sourcils. Elle s’approcha, légère comme l’air, et planta un bâton au centre de la clairière. Il vibra doucement.
— Tu peux continuer à essayer seul. Tourner. Te perdre. T’épuiser. Ou… tu peux rejoindre ceux qui ont compris qu’il n’y a pas de honte à marcher ensemble.
Elle tendit la main. Un cercle lumineux apparut sous ses pieds, révélant des silhouettes floues à la périphérie, comme des âmes en attente.
— Ce soir, nous nous réunissons. Pas pour apprendre. Pas pour diriger. Juste pour partager ce qui brûle en nous, ce que nous cachons aux autres. Ce qui nous pousse à marcher, malgré la peur.
— Ce n’est pas un contrat, poursuivit la femme. C’est un pacte entre cœurs vivants.
Il ferma les yeux. Respira.
Et fit un pas dans la lumière du cercle.
Le Cercle des Reflets
La lumière s’intensifia autour du cercle, sans jamais devenir éblouissante. Elle semblait émaner de l’intérieur même des participants, comme si chacun portait sa propre lanterne invisible.
Ils étaient six autour de Kevin. Six inconnus. Ou presque.
- Un homme à la silhouette musclée, mais au regard fuyant.
- Une femme au sourire large… trop large pour être vrai.
- Un adolescent en hoodie, discret comme une ombre.
- Une vieille dame, droite comme une montagne.
- Un jeune père, le visage marqué par des nuits sans sommeil.
- Et… une autre version de lui-même. Plus jeune. Plus hésitante.
Celle qu’il avait laissée dans le marécage.
Thékara, prit la parole avec lenteur :
— Ici, personne ne parle pour convaincre.
Personne n’écoute pour juger.
Ce que tu diras ne sera ni corrigé, ni interrompu.
Ce que tu entendras résonnera peut-être. Et c’est tout ce qu’il faut.
Elle s’assit.
Un par un, les membres du cercle déposèrent leur fardeau.
- Le père parla de la peur de tout perdre s’il osait changer.
- La vieille dame confia son regret d’avoir attendu soixante-dix ans pour s’autoriser à créer.
- Le jeune garçon raconta comment il se cachait derrière l’humour pour éviter d’échouer.
- La femme au grand sourire craqua. Ce sourire était un masque. Elle n’en pouvait plus de toujours « aller bien ».
- Le costaud murmura qu’il se sentait vide. Sans cause. Sans mission.
Puis vint le tour de Kevin.
Son cœur tambourinait. Il n’avait jamais parlé ainsi devant des inconnus.
Et pourtant…
— Je suis fatigué de faire semblant.
Fatigué de donner le change, d’avoir l’air motivé, structuré, aligné… alors qu’en vrai, je doute tout le temps.
Je veux créer quelque chose, mais une part de moi pense encore que je n’ai rien à dire.
Rien d’assez solide pour aider les autres.
Rien d’assez… légitime.
Un silence. Dense. Vibrant.
La vieille dame posa simplement une main sur son bras. Et murmura :
— C’est précisément pour ça que ta voix compte.
Les autres hochèrent la tête.
Pas de pitié.
Juste une reconnaissance. Un miroir.
Kevin sentit quelque chose se détacher en lui.
Comme une vieille peau, un manteau lourd… qu’il pouvait enfin poser.
Il était vu. Tel qu’il était.
Et il n’était pas seul.
Le Pacte
Le cercle resta silencieux un instant, suspendu dans le souffle d’un monde plus vaste.
Puis Thékara, la Gardienne des carrefours, se leva. Dans ses mains, une petite boîte en bois brut.
Elle s’approcha du centre du cercle et l’ouvrit. À l’intérieur, sept cordelettes de chanvre, simples, mais nouées chacune d’un motif unique.
— Ce ne sont pas des talismans, dit-elle.
Ce sont des rappels.
Chacun de vous va nouer cette corde autour de son poignet, de son cœur…
Comme un symbole du pacte.
Ce n’est pas un pacte de réussite.
C’est un pacte de présence.
Elle fit passer la boîte.
Un à un, chacun choisit sa corde.
Quand vint le tour de Kevin, il hésita.
Puis en prit une au nœud discret, presque invisible, mais solide.
— Ce que vous avez partagé ici n’appartient plus au silence, dit Thékara.
Il appartient à l’élan.
Au mouvement.
À l’entraide.
À partir d’aujourd’hui, vous n’êtes plus seuls à porter vos idées.
À douter.
À avancer.
Le pacte est celui-ci :
Quand l’un faiblit, un autre tend la main.
Quand l’un se perd, un autre éclaire.
Quand l’un réussit, tous avancent.
Chacun noua la corde à sa façon : au poignet, à la cheville, au col, à un objet fétiche.
Thékara traça alors au sol un cercle de cendres et de sel.
— Maintenant, vous devez poser une intention.
Pas un objectif.
Une graine.
Elle les regarda, un à un.
— Exprimez-la à voix haute.
Les voix s’élevèrent.
« Créer un lieu de transformation. »
« Écrire sans me censurer. »
« Accompagner sans me diminuer. »
« M’autoriser à ne pas savoir. »
« Laisser ma joie prendre de la place. »
« Montrer mon vrai visage. »
Kevin inspira. Et dit :
— Créer un monde où chacun ose semer ce qu’il est.
Le cercle vibra. La lumière s’éleva légèrement, dans un souffle, comme si la terre elle-même avait entendu.
Thékara sourit.
— Le pacte est scellé.
Un à un, les membres du cercle disparurent dans la brume.
Non pas seuls.
Mais porteurs d’un lien invisible.
Le premier Mastermind était né.
Pas un groupe.
Un égrégore.
Le Feu Secret
Le cercle s’était dissous dans le silence.
Il ne restait plus que Kevin, Thékara… et cette étrange sensation de chaleur douce qui pulsait sous ses côtes.
Elle l’invita à la suivre, à travers un petit sentier bordé de pierres moussues.
Le chemin serpentait dans une forêt miniature, où les arbres semblaient être des idées oubliées — tordus, mais encore vivants.
Au bout du sentier : une clairière.
En son centre, un feu. Pas plus grand qu’un brasier de campement.
Mais ses flammes ne brûlaient pas. Elles dansaient dans des teintes d’ambre, de turquoise et d’or pâle.
Un feu d’intuition.
— Voici le Feu Secret, dit Thékara.
Il n’enseigne pas. Il révèle.
Elle l’invita à s’asseoir près du foyer.
— Chaque membre du Mastermind y est venu.
Chacun a vu autre chose.
Ce que tu verras dépend de ce que tu es prêt à embrasser.
Kevin hésita. Puis il ferma les yeux face au feu.
Les premières images furent floues. Des fragments.
Un bureau en désordre.
Des post-its collés sur des rêves jamais réalisés.
Une idée brillante noyée sous la peur.
Des éclats de rire étouffés par la pression.
Des projets abandonnés trop tôt.
Des et si… qui n’ont jamais vécu.
Puis le feu s’intensifia.
Et dans la danse des flammes, Kevin vit autre chose.
Un petit groupe, assis autour d’un cercle.
Pas dans ce monde mystique.
Mais dans une pièce simple, lumineuse.
Des visages familiers. Des regards bienveillants.
Des idées qui circulent.
Des déclics. Des larmes. Des rires.
Un groupe d’accompagnement.
Son Mastermind.
Il lut des mots accrochés au mur :
« C’est ensemble que l’on transforme le doute en élan. »
Il vit des projets naître. Des peurs tomber.
Et sa propre posture changer.
Moins celle de quelqu’un qui cherche,
Plus celle de quelqu’un qui écoute. Qui soutient. Qui transmet.
Il se surprit à penser : Et si j’étais prêt, maintenant ?
Quand il rouvrit les yeux, le feu brillait encore.
Paisible. Présent. Comme un témoin.
Le Retour vers le Monde Réel
Le matin était clair.
Le camp s’était évaporé comme un rêve qui s’efface à l’aube.
Kevin descendit la colline seul, un sac plus léger qu’il ne l’avait jamais été… et pourtant rempli d’essentiel.
Un cercle de pierres l’attendait.
Et au centre, la même porte que celle franchie au tout début de son voyage.
Mais cette fois, elle semblait polie par le temps… et par la décision.
Kevin la regarda.
Un dernier doute passa en lui, comme une ombre.
— Est-ce que je saurai… transmettre ce que j’ai vécu ?
Une voix familière lui parvint, douce et lointaine.
Celle de Thékara, la Gardienne des carrefours.
« Ce que tu as vécu n’est pas un savoir à transmettre.
C’est une vibration à incarner. »
Il inspira. Et poussa la porte.
**
La lumière de la ville.
Des bruits de pas.
Un café. Une table.
Son carnet devant lui.
Et un premier message rédigé, prêt à être envoyé :
« J’ai une idée un peu folle.
Et si on se retrouvait à trois ou quatre pour se soutenir dans nos projets ?
Pas une réunion de boulot.
Plutôt un cercle de feu.
Dis-moi si ça te parle. »
Il hésita. Puis cliqua sur “envoyer.”
Le Premier Engagement
Quelques jours ont passé.
Un petit groupe s’est formé.
Pas encore un cercle sacré.
Pas encore un Mastermind à proprement parler.
Mais un début. Une promesse.
Ils se sont retrouvés chez l’un d’eux.
Autour d’un thé, sans prétention.
Chacun a apporté quelque chose :
Une idée. Une question. Un blocage.
Au début, il y avait de la gêne.
Du flou.
Des silences.
Puis, au fil des mots, les barrières sont tombées.
Quelqu’un a osé dire :
— J’ai peur que mon idée soit nulle.
Un autre a répondu :
— Moi, j’ai peur de réussir.
Et ils ont ri.
Ensemble.
Kevin n’était pas l’animateur.
Il n’avait pas prévu de plan.
Mais il écoutait.
Et quand il a parlé, ce n’était pas pour montrer ou briller.
C’était pour rallumer le feu.
Celui qu’il portait.
Il a raconté le cercle.
Le marécage.
La graine.
Pas pour impressionner.
Pour inspirer.
Alors, ils ont décidé de se revoir.
Régulièrement.
Avec une intention claire :
Avancer ensemble. Et ne plus se censurer.
**
Ce soir-là, seul chez lui, Kevin regarda par la fenêtre.
Une brise agitait les feuilles.
Dans son carnet, il écrivit :
“Je ne suis plus seul.”
À suivre … Épisode 9 : L’Escalade du Mont Mindset


Un commentaire
Nathalie PERNIN
Encore un épisode palpitant qui donne envie de lire la suite ! Bravo